La fabrique quotidienne du décrochage par Julien Garric, une enquête
sur l'exclusion ponctuelle de classe.
Tout d’abord, il me faut reconnaître que cette lecture n’a pas toujours été facile, tant on peut, par moment, percevoir la souffrance des élèves ou des personnels.
Cette analyse de la punition qu’est l’exclusion ponctuelle de classe pratiquée dans trois des établissements les plus pauvres de France est à mon sens très riche.
Il ne s’agit pas de stigmatiser les enseignants (minoritaires) qui excluent de manière très régulières les élèves. En effet, les moyens donnés à et par l’éducation nationale sont aussi à la source de cette situation ainsi que le fonctionnement des mutations.
Toutefois, il s’agit d’interroger cette pratique commune, alors même que l’éducation nationale la réserve à une mesure exceptionnelle. Il s’agit de l’interroger en ce qu’elle contribue à créer des élèves déviant (qui ne le sont pas par nature) dont elle favorise le décrochage scolaire.
Les différents protagonistes interrogés reconnaissent tous qu’elle n’apporte rien aux élèves poly-exclus, elle a juste le mérite de rendre le cours plus calme pour les autres élèves. Ainsi, une minorité est sacrifiée pour le plus grand nombre. Ce qui va à l’encontre de la notion d’inclusivité.
On y découvre aussi une opposition entre les enseignants qui utilisent le moins cette punition. Il est judicieux de remarquer que sont ceux qui placent leur pédagogie au centre de leur travail, qui différencient le plus (éthique de l’inclusion). Et ceux qui excluent très régulièrement et le revendiquent, ceux-là assurent que certains élèves ne sont pas faits pour le collège et assument de les mettre de côté. Et il ne s’agit pas, contrairement à ce qui peut être dit, des enseignants débutants. Ce ne sont pas forcément des enseignants en difficulté, il s’agit réellement d’une pratique revendiquée.
Par ailleurs, on découvre à la lecture de cette enquête comment parfois un groupe d’enseignants peut chercher à faire exclure définitivement un élève en favorisant un incident grave, comment cette menace que représente la sanction ultime, l’exclusion définitive, est intériorisée par les élèves, comment fonctionne l’inflation des punitions et comment certains fonctionnement conduisent inévitablement à une surenchère punitive… Il s’agit d’observations que j’ai déjà pu faire dans ma pratique professionnelle.
Je retiendrai aussi le biais d’adultification, présent chez certains enseignants, qui peut priver l’enfant, racialisé bien souvent, de son statut d’enfant. Ce biais consistant à ne plus voir chez l’élève un enfant mais plutôt un adulte, en insistant sur ses propriétés physiques. L’élève devient alors une réelle menace.
Ce livre montre aussi que l’image renvoyée par certains médias des jeunes de banlieues jouent sur la représentation qu’on certains jeunes personnels, nouvellement affectés au sein des établissements REP+, de ces élèves, confrontés à cette nouvelle altérité et cela se répercute sur leur attitude vis-à-vis d’eux.
Il ne s’agit pas pour moi de nier les évènements dramatiques et surmédiatisés qu’a pu connaître l’éducation nationale récemment. Puisqu’ils peuvent nous conduire à envisager nos élèves comme des menaces, ce sont d’ailleurs pour cela qu’outre la perte de nos collègues, ces évènements sont aussi traumatisants
L’auteur revient sur le fait que bien souvent, les élèves « testent » leurs enseignants en début d’année mais il ne s’agît pas d’une volonté délibérée d’y mettre le chaos mais plutôt de tester pour les élèves l’attitude des enseignants, et notamment, leur facilité ou non à « abandonner » certains élèves.
Enfin, on peut observer que certains fonctionnement adoptés sont contre-productifs. Parmi les 3 établissements, les deux établissements où il y a un problème de retards sont ceux où les professeurs peuvent refuser les élèves retardataires et dans le troisième établissement, les enseignants qui ont des élèves retardataires sont ceux qui refusent ces élèves lorsqu’ils sont en retard.
Il paraît important de bien garder en tête que ce n’est pas parce que les élèves mettent en place des stratégies qu’il s’agit de stratégies intentionnelles.
Cette chronique est aussi l’occasion de rappeler que la recherche a démontré les limites de notre système de punition. Je vous conseille notamment la lecture de cette lettre du CSEN : Comment gérer les comportements en classe ? (sp1-brevo.net) Il nous faut donc, sans prétendre pour autant que c’est évident, imaginer comment éduquer nos élèves autrement.
C'est un constat que je fais aussi dans ma pratique. Il serait utile que tous les personnels de l'EN lisent ces observations... et fassent évoluer leur pratique!😉
Merci pour ce résumé et cette piste de reflexion avec la lettre du CSEN.
Bonnes vacances
Marine C.